Encore marginale dans le mix énergétique, la géothermie - de surface ou profonde - présente un potentiel considérable en termes de couverture des besoins en chauffage et rafraîchissement, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sa systématisation constitue ainsi un levier majeur pour la décarbonation, l’autonomie énergétique des bâtiments, et donc une plus grande souveraineté énergétique nationale. C’est l’ambition du plan d’action du Gouvernement présenté en février 2023, que le BRGM contribue à mettre en œuvre grâce à des actions et des outils visant à rendre accessible la géothermie de surface mais aussi profonde sur l’ensemble du territoire.
Disponible sur plus de 90 % du territoire et pouvant couvrir au moins 70 % des besoins thermiques de bâtiments ou procédés industriels ou agricoles, la géothermie de surface (< 200 m) représente seulement 1 % de la chaleur produite aujourd’hui en France ! La déployer à grande échelle, dans toutes les régions, permettrait de générer d’ici à 20 ans environ 90 TWh annuel.
10 TWh supplémentaires pourraient également être produits à cette même échéance en mobilisant la ressource géothermale profonde pour alimenter notamment des réseaux de chaleur.
Les calories du sous-sol apportent ainsi une solution efficace pour remplacer les énergies fossiles, majoritairement importées, par une énergie non polluante, non émettrice de gaz à effet de serre et surtout souveraine, locale et indépendante des fluctuations de prix des énergies (électricité, gaz, fioul, …).
Convaincu par le potentiel du sous-sol dans la transition énergétique, le BRGM porte depuis longtemps l’ambition de favoriser le déploiement de la géothermie en France, renforcée depuis février 2022 par le contexte énergétique aussi inédit qu’instable lié à la guerre russo-ukrainienne.
Cette ambition rencontre aujourd’hui la volonté du Gouvernement d’accélérer le déploiement de la géothermie dans le cadre du développement des énergies renouvelables. Volonté qui s’est traduite par la présentation le 2 février 2023, par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, d’un plan d’action (voir encadré) auquel le BRGM, en tant que service géologique national, a vocation à apporter une contribution majeure.
UN PLAN D’ACTION POUR ACCÉLÉRER LE DÉPLOIEMENT DE LA GÉOTHERMIE EN FRANCE
En France, la chaleur représente 50 % de notre consommation d’énergie et reste majoritairement produite par des énergies d’origine fossile et importées. La géothermie, source d’énergie issue de la chaleur de la Terre, ne représente que 1 % de cette consommation. Le développement de la chaleur issue d’énergies renouvelables fait donc partie des leviers pour réduire les émissions de CO2 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Structurer la filière et renforcer sa capacité de production et de forage, développer l’offre de formations, accompagner les porteurs de projets et les usagers, sensibiliser les acteurs locaux, simplifier la réglementation et améliorer notre connaissance du sous-sol, tels sont les objectifs de ce plan annoncé le 2 février 2023 par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. |
Ce plan fait notamment suite à un rapport sur les enjeux et opportunités de la géothermie de surface rédigé par François Bayrou, Haut-commissaire au Plan. Le plan a pour ambition de doubler le nombre d'installations de pompes à chaleur géothermiques chez les particuliers d'ici 2025 en les incitant financièrement et d’augmenter de 40 % le nombre de projets de géothermie profonde lancés d'ici 2030 en identifiant et valorisant des aquifères profonds sous-exploités, propices à la réalisation de doublets géothermiques pour réseaux de chaleur. L’atteinte des objectifs ne peut se faire sans sensibiliser et faire monter en compétence les acteurs locaux et accompagner les porteurs de projets dans le déploiement de solutions géothermiques. |
Ce plan d’action vise à faire de la France un leader de la géothermie en Europe, tant en termes de production d’énergies renouvelables que de filière industrielle, et doit permettre de produire en 15 à 20 ans suffisamment de chaleur géothermale pour économiser 100 TWh/an de gaz, soit plus que les importations françaises annuelles de gaz russe avant 2022. Ce plan mobilisera l'Agence de la transition écologique (ADEME), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la filière et les fédérations professionnelles concernées ainsi que les services de l’État, à l’échelon national et à l’échelon régional sous l’égide des préfets. |
Ce plan d’action vise à multiplier par deux le nombre de pompes à chaleur géothermiques chez les particuliers d’ici à 2025, lesquelles représentent aujourd’hui la très grande majorité du parc, avec 195 000 installations de géothermie en maisons individuelles sur les 205000 recensées en France. Ces installations sont actuellement réparties en s’appuyant sur deux technologies principales, les échangeurs horizontaux et les sondes géothermiques.
Pour atteindre cet objectif, le BRGM a proposé de développer un cadastre géothermique national, sur le modèle du cadastre solaire. Il permettra d’afficher l’étiquette énergétique d’une parcelle, pour évaluer sa performance pour la mise en œuvre d’un échangeur géothermique de type sonde géothermique verticale, avec un indice de confiance précisant la qualité de la connaissance locale du sous-sol.
Le BRGM s’appuiera pour cela sur toutes les données du sous-sol qu’il capitalise dont certaines sont d’ores et déjà mises à disposition sur l’espace cartographique du site institutionnel ADEME-BRGM geothermies.fr : données de mesures ponctuelles issues des tests de réponse thermique, données caractéristiques de forages recensées en banque de données du sous-sol. Le BRGM dispose aujourd’hui des données d’environ 500 tests de réponse thermique répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et d’environ 16 000 logs validés pour des forages de profondeur supérieure ou égale à 100 m. Lesquels indiquent le niveau de conductivité thermique du terrain et la température du sous-sol, les deux paramètres les plus influents pour la performance d’une sonde géothermique verticale.
Des étiquettes énergétiques seront établies à partir de valeurs d’énergie extractibles par mètre de forage tel qu’illustré en figure 2 dans le cadre d’une cartographie produite sur les territoires des régions Centre-Val de Loire et Poitou-Charentes.
Des indices de confiance seront associés aux valeurs de performance énergétique des terrains, en fonction de la proximité de tests de réponse thermique et de logs de forages validés, du degré d’hétérogénéité des terrains traversés et de la présence d’aquifères de nature à influer sur l’efficacité énergétique de la sonde géothermique.
Ce cadastre géothermique est destiné aux collectivités territoriales pour les aider à développer la géothermie de surface sur leur territoire. Cet outil sera mis également à la disposition de France Rénov, le service public de la rénovation de l’habitat, pour orienter les usagers vers cette solution qui permet de chauffer mais aussi de rafraîchir les bâtiments, tout en réduisant jusqu’à 90 % leurs émissions de CO2 et de 75 % leur consommation d’énergie par rapport au gaz.
LE LEASING : UNE PISTE À CREUSER POUR DÉVELOPPER LA GÉOTHERMIE CHEZ LE PARTICULIER
La géothermie de surface, dans une maison individuelle, permet de chauffer, rafraîchir et produire de l’eau chaude sanitaire de façon écologique et économique, sur le moyen terme. En effet, une pompe à chaleur géothermique permet de générer trois à cinq fois plus d'énergie qu'elle n'en consomme. C’est une technologie qui semble avoir tout pour plaire et qui pourtant peine à se développer en France. En effet, en 2016, seulement 3000 pompes à chaleur géothermiques ont été installées sur le territoire contre 20000 en 2008. Un déclin dû à plusieurs facteurs, notamment la complexité du processus d’installation (multiplicité d’acteurs, technicité de la solution) et son coût d’investissement plus élevé que les installations classiques et carbonées, telles que le gaz ou l’électricité. |
Une piste particulièrement pertinente pour changer la donne est d’adopter une perspective d’économie de la fonctionnalité, qui privilégie l’usage plutôt que la possession. Ainsi, outre-Atlantique, deux entreprises proposent des modèles à base de leasing (installation en location avec option d’achat) donc un moindre investissement initial et un interlocuteur unique – un service clé en main qui dispense de la chasse aux professionnels, aux aides et évite les démarches parfois compliquées. L’Amérique du nord précurseur du service au particulier |
soit proposé pour le logement particulier est novateur. Ainsi, l’entreprise québécoise Marmott Energies propose son "modèle Marmott" (voir figure). |
Véritable aide à la décision, le cadastre géothermique se veut le fer de lance d’une démarche de promotion de la géothermie de surface auprès des particuliers. Cela intervient en complément de la démonstration de la pertinence écologique et financière de la géothermie de surface. Le premier frein est le coût de la rénovation énergétique, qui consiste le plus souvent à réaliser une isolation préalable maximale avant de changer le système de chauffage.
Le BRGM a étudié une autre approche visant à privilégier les gestes les plus efficaces uniquement, en les associant simultanément avec un changement de système de chauffage. Le scénario suivant apparaît le plus prometteur dans un contexte de rénovation d’une maison individuelle mal isolée (DPE en classe F) de 100 m² en zone climatique H1 (centre-est de la France) : mise en oeuvre d’une ventilation mécanique double flux, isolation des combles, isolation des murs par l’intérieur, mise en oeuvre d’une pompe à chaleur géothermique. Cette solution présente en effet le meilleur rapport coût/ bénéfice (voir figure 3), avec une économie d’environ 35 000 euros sur 20 ans par rapport à un simple renouvellement de la chaudière gaz sans travaux d’isolation (coût complet sur 20 ans réduit de 84 k€ à 49 k€).
La performance environnementale est également améliorée de manière drastique avec un passage de 8,36 tonnes de CO2 émises chaque année à seulement 0,24 tonne de CO2 par an. Cette baisse s’explique notamment par les faibles émissions de gaz à effet de serre associées à la production électrique française, d’origine essentiellement nucléaire.
L’autre levier de développement de cette énergie est la géothermie profonde (généralement jusqu’à 2 000 mètres), plus complexe à mettre en œuvre et nécessitant une densité de population en surface, synonyme de besoins importants. Déployé principalement dans le Bassin parisien, avec une cinquantaine de réseaux de chaleur en Île-de-France puisant principalement dans la nappe du Dogger, ce système énergétique a vocation à se multiplier dans d’autres bassins métropolitains tels qu’identifiés sur les zones bleues en figure 4. Le plan d’action du Gouvernement prévoit une augmentation de 40 % du nombre de projets de géothermie profonde d’ici à 2030.
Pour accompagner cette montée en puissance, il est prévu, avec l’appui du ministère de la Transition énergétique et de l’ADEME, que le BRGM accompagne les porteurs de projets en améliorant la connaissance du sous-sol afin de préciser les cibles géothermiques pertinentes et de réduire ainsi les risques d’échecs d’opérations. Un travail est ainsi prévu à deux échelles :
- L’échelle régionale (caractéristique d’un bassin sédimentaire tel qu’illustré sur la carte), où l’objectif sera de synthétiser et analyser les données existantes (notamment issues des campagnes de prospections pétrolières) pour discerner les zones les plus "favorables a priori" en termes de disponibilité de ressources. Cette estimation sera basée en particulier sur la quantification des volumes des réservoirs, de leur perméabilité et des débits envisageables, et des températures de la ressource. Ce travail permettra de compléter et de préciser les informations relatives aux ressources géothermales profondes mises à disposition sur l’espace cartographique du site www.geothermies.fr ;
- L’échelle "intermédiaire" (de l’ordre de 1 000 km²), susceptible d’héberger environ une dizaine de nouvelles opérations de géothermie profonde. De nouvelles campagnes de mesures sont prévues à cette échelle intermédiaire afin de permettre aux porteurs de projets de mieux cibler les ressources géothermiques sur ces secteurs à fort potentiel. Deux secteurs d’intérêt ont d’ores et déjà été identifiés avec des contours précisés à la suite de la concertation organisée par l’ADEME avec les professionnels de l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG) : zones de Vitrolles - Marignane et de l'ouest de l'Île de France. D’autres secteurs de ce type pourraient également être investigués dans les années à venir, en collaboration avec l’ADEME.
Cette démarche prospective accompagne l’évolution des modalités d’attribution du fonds de garantie destiné à l’indemnisation en cas d’échec du forage. L’ADEME travaille en effet actuellement à une révision de ce fonds de garantie pour assurer à un taux de couverture du risque à hauteur de 90 % à partir de l’été 2023. Les campagnes d’exploration du sous-sol menées par le BRGM permettront d’accompagner l’évolution de ce fonds, en réduisant les risques, y compris dans les secteurs peu connus tels que Marignane - Vitrolles et en maximisant ainsi l’efficacité financière de ce dispositif de garantie.
Télécharger l'article "Coup d'accélérateur pour la production de chaleur par géothermies" issu du n° 27 de la revue Géosciences du BRGM.
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